Bière bio et locale : comment une juste rémunération renforce toute la filière
L’Auvergne-Rhône-Alpes se distingue comme la première région française en nombre de brasseries bio, illustrant une dynamique forte en faveur des bières biologiques et locales. Avec quatre malteries dédiées à la transformation de l’orge bio et une offre en houblons bio en croissance, la filière se structure progressivement. Pourtant, 42 % du malt utilisé par les brasseurs bio de la région provient encore d’autres malteries françaises ou belges – un paradoxe qui interroge. Du côté des producteurs, la culture de l’orge brassicole bio suscite des questionnements, souvent liés à la crainte de ne pas répondre aux exigences strictes de qualité des brasseurs.
Dans ce contexte, la question d’un prix rémunérateur s’impose comme un levier essentiel pour pérenniser cette filière. Il s’agit d’assurer une juste rémunération à chaque maillon de la chaîne – de l’agriculteur au brasseur –, tout en renforçant la cohésion et la transparence entre les acteurs. Un enjeu d’autant plus crucial que 77 % des Français déclarent ne pas consommer davantage de produits bio en raison de leur prix.
Un travail collectif pour analyser la chaîne de valeur
Un groupe d’acteurs de la filière s’est réuni pour étudier la chaîne de valeur de la bière bio locale. Les résultats sont éclairants :
- Le choix d’un malt bio régional n’augmente le prix de la bière blonde "Ale" traditionnelle "de base" que de quelques centimes par bouteille, malgré un rendement souvent légèrement inférieur (80 %). (+0,02 € TTC dans le cas type étudié avec les hypothèses retenues).
- Le choix d’un houblon bio régional ne fait quasiment pas varier le prix de la bière blonde "Ale" traditionnelle "de base", en raison des faibles quantités mises en oeuvre.
Si ces données montrent que l’impact sur le prix final est minime, cette augmentation peut être néanmoins significative à l'échelle de la brasserie selon les volumes traités.
L’enjeu de la rémunération : garantir la qualité et la durabilité de la production d’orge brassicole
Le défi majeur de la filière régionale est de produire une orge brassicole bio qui répondra aux exigences qualité de la filière (taux de protéines minimal nécessaire au maltage), tout en assurant aux producteurs une rémunération à la hauteur de leurs efforts.
Le problème ? Le risque de déclassement en orge fourragère est important, en raison des exigences sur le taux de protéines.
La solution ? Un prix rémunérateur calculé qui permet de couvrir toutes les charges – même en cas de déclassement.
Dans cette étude, le prix rémunérateur a été calculé sur la base d’un itinéraire technique optimal : 506 €/tonne (contre 406 €/tonne payé en moyenne en 2024 en région pour l’orge brassicole et 220 €/tonne pour l’orge fourragère).
Ce que cela signifie :
- Le prix payé en 2024 couvre les charges du producteur et lui assure une rémunération à hauteur d'un SMIC
- Pour assurer une rémunération à hauteur de 2 SMIC et une marge suffisante pour tous les acteurs, il faudrait ajouter 4 centimes au prix de vente de la bière bio et locale.
Une juste rémunération du producteur limite sa prise de risque et peut ainsi l’encourager à produire de l’orge brassicole malgré le risque de déclassement. Un label de commerce équitable pourrait garantir cette bonne rémunération, en rassurant les consommateurs et les distributeurs sur la transparence des coûts.
Les matières agricoles pèsent peu dans le prix final
Bien sûr, le prix d’une bière dépend de nombreux facteurs : type de bière, recettes, ou encore variabilité annuelle de la production agricole. Le prix n'est pas l'unique critère de choix des brasseurs : pour le houblon, les
caractéristiques organoleptiques spécifiques à des variétés et terroirs ne permettent pas toujours de s'approvisionner localement.
Néanmoins, cette étude, basée sur un cas type, permet de recontextualiser l’image du prix d’achat des matières premières agricoles. En effet, seulement 2% du prix final d’une bière revient aux producteurs.
À l’inverse, l’étape de fabrication (brassage, emballage, énergie, logistique) pèse 53 % du prix final, et les emballages 8% (soit 0,49 € sur une bouteille vendue 6,10 €).
Pour les acteurs de la transformation et de la distribution, expliquer ces réalités est un levier clé. Communiquer sur les coûts de production, ce n’est pas seulement justifier un prix : c’est mettre en lumière une démarche globale qui profite à l’ensemble de la filière, jusqu’au consommateur.
En s’engageant vers une transparence accrue et une rémunération équitable, la filière peut continuer à se développer, au bénéfice des producteurs locaux, des malteries locales, brasseurs locaux et des consommateurs. Mais c'est surtout le consommateur qui possède les clés en choisissant des bières artisanales bio produites avec des matières premières régionales !
Télécharger l'étude complète Orge à la Bière
Rédigé par Bastien Boissonnier (Cluster Bio) et Claire Broucke (FRAB AuRA)