L'essentiel
- La production de blé ne représente que 8% du prix final d'une baguette
- 11 centimes d'une baguette revient au producteur
- La contractualisation entre les acteurs est à privilégier
- Besoin de sensibiliser les consommateurs au "bon pain"
- Farines brutes + levain + Bio + diversité des formats : stratégie gagnante !
- Le métier de boulanger à réenchanter
Selon l’Agence Bio, 74% des consommateurs jugent les produits bio « trop chers ». Sensibiliser les consommateurs sur la valeur réelle des produits biologiques apparaît essentiel pour favoriser leur consommation. Dans ce contexte, le Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes, la CRA ARA, la FRAB AuRA et LCA ARA ont mené une étude avec les acteurs de la filière "Du blé au pain" pour analyser les coûts de production à chaque étape et mieux expliquer le prix de la baguette bio.
Construire un prix juste pour la baguette bio
L'étude sur le coût de production d’une baguette bio montre que la production de blé bio par l’agriculteur ne représente que 8% du prix final, tandis que la transformation (meunerie et fabrication) en constitue plus de 50%, et que les charges liées à l’activité du boulanger artisanal pèsent fortement (main-d’œuvre, énergie, etc.).
La production biologique du blé tendre pèse donc finalement peu dans le prix final, et c’est surtout le process de fabrication qui va impacter le prix.
Quelques centimes qui font la différence
En étudiant le coût de production du blé tendre biologique pour une exploitation type, et en prenant en compte la rémunération du producteur, on estime un coût de production du blé tendre à 477€/tonne. Entre 2018 et 2022, le prix moyen payé aux producteurs par les coopératives a été de 456€/tonne. On remarque qu’une augmentation de 1 centimes sur le prix de la baguette aurait pu permettre d’atteindre ce prix.
En 2023, le cours du marché du blé tendre bio a drastiquement et exceptionnement chuté en raison d’une offre en blé bien plus importante que la demande, et le prix moyen payé aux producteurs était de 272€/tonne en moyenne. L’étude montre qu’il n’aurait fallu que 5 centimes supplémentaires sur le prix de la baguette pour couvrir toutes les charges du producteur et permettre sa rémunération.
Finalement, payer le juste prix au producteur influence peu le prix de la baguette !

Contractualisation : clé de la pérennité de la filière
Comment garantir alors que le producteur est bien rémunéré ? La contractualisation tripartite entre les acteurs basée sur un prix minimum permettant de couvrir les coûts de production pourrait sécuriser la rémunération et assurer la pérennité des maillons de la filière.

Les labels de commerce équitable permettent de garantir cet engagement, par exemple avec la mise en place de contrats de 3 ans minimum avec des engagements sur le prix et les volumes. C’est notamment le cas d’une filière farine blé tendre équitable mise en place par Moulin Marion auprès de ses producteurs.
Sensibiliser le consommateur sur le « Bon pain »
Alors que l’importance perçue du pain pour avoir une alimentation équilibrée a reculé significativement en 20 ans (66% important en 2023 vs 88% en 2005)*, surtout chez les jeunes, il est essentiel de sensibiliser le consommateur à la valeur du « bon pain ». La filière doit communiquer davantage sur l’origine de la farine, l’utilisation du levain, les intérêts santé et environnementaux. Le pain complet est par exemple plus rassasiant, riche en vitamines, minéraux et fibres.
D’ailleurs, comme c’est dans l’enveloppe du grain que l’on retrouve le plus de pesticides, le choix du bio est une évidence. Aussi, pour assurer la bonne rémunération du producteur, il pourrait être pertinent de sensibiliser sur la notion de commerce équitable. Enfin, bien que la baguette soit un symbole de la gastronomie française, les boulangers bio sont unanimes sur le fait qu’elle soit plus chère à fabriquer et moins intéressante pour la santé que d'autres formes de pains.

Réenchanter le métier de boulanger
Si 97% des farines utilisées en boulangerie artisanale sont françaises**, des enjeux persistent autour de leur qualité, souvent impactée par l’usage d’additifs. L’utilisation de farines brutes, associée à une panification au levain et à une diversification des formats de pain au-delà de la baguette, pourrait rehausser la qualité des produits proposés par les boulangers. Il existe également une offre de farines bio en Auvergne-Rhône-Alpes qui permettent de s’approvisionner régionalement.
Au-delà de l’approvisionnement, c’est toute une profession qui est challengée. Les échanges lors de la rencontre des boulangers de la Métropole de Lyon du 18/11/2024 a fait ressortir le besoin de mieux former les futurs boulangers, notamment à l’utilisation de farines brutes et du levain, de promouvoir la diversité des pains, et de valoriser le métier par la passion et l’excellence artisanale.
*IFOP **Agrex Consulting pour France Agri Mer
